L'exode

Guidés par notre seigneur Godefroy de Luh, nous marchâmes sur New-Dunkerque. Alors que nous explorions la cité, des machines sortant des habitations humaines tentèrent de nous éconduire. Mais, guidés par Godefroy de Luh, nous les vainquîmes.

Seuls maîtres à bord de la ville, nous étions prêt à accomplir notre destinée. Le temps des humains était révolu, et nous étions là pour leur succéder. Hélas, nous nous aperçûmes rapidement que nos corps d’emprunt n’étaient pas faits pour cette vie civilisée. Chaque membre servait à marcher, et nous n’avions pas de doigts. Alors que nous cherchions des solutions, quelques mois seulement après notre arrivée, la meute Wraak nous attaqua.

Ceux que nous prenions pour nos frères, exploitant des animaux énormes et inconnus, détruisirent notre ville et massacrèrent nombre des nôtres alors que nous restions impuissants. Leur chef hideux, le tyran Knor-Stanislas III, hurlait que nous étions désormais des humains à exterminer. Notre seigneur Godefroy de Luh lui-même fut blessé dans la bataille, mais il survécu, et guida les survivants vers un refuge loin de la cité. Là, notre seigneur nous parla, et dit : « Mes frères, nous vivons un jour funeste. Nous avons échoué dans notre conquête, mais nous ne devons pas renoncer pour autant. Nous n’étions pas suffisamment forts, mais cela changera. Si nous restons ici, la meute Wraak nous anéantira. J’ai lu dans les livres humains qu’il existe au sud, très loin d’ici, une autre Mole, près de laquelle vivent des espèces qui ressemblent aux humains à s’y méprendre. Mes frères, notre destinée est de trouver ces êtres, et grâce à eux, de rebâtir notre peuple et de recommencer notre mission là où nous avons failli : succéder à la civilisation humaine. »

Ainsi, guidés par notre seigneur Godefroy de Luh, nous marchâmes, et notre long exode commença. Il dura de nombreuses années, durant lesquelles nous découvrîmes maintes merveilles. Sur les conseils de notre seigneur Godefroy de Luh, nous apprîmes à vraiment fusionner avec nos hôtes, afin de tout ressentir par leur corps et nous exprimer à travers eux. Nous fîmes le vœux d’abandonner notre vie de parasites exploitant des corps animaux successifs : lorsque nous trouverions des hôtes appropriés, nous nous consacrerions uniquement à eux, fusionnant de manière définitive dans une véritable vie en symbiose. Contrairement à ces barbares de Wraaks, nous refusions également qu’un seul des nôtres reste sans hôte, quitte à cesser de nous reproduire en cas de pénurie de corps.

Au terme de ce long périple, nous arrivâmes à la terre que notre seigneur nous avait promis. Une Mole gigantesque, à proximité de verdoyantes plaines et de forêts luxuriantes. Et surtout, une multitude de ces créatures que les humains nommaient singes, suffisante pour nous offrir à chacun un corps fonctionnel. Notre installation, à la lisière commune de la Mole et de la forêt, fut longue, car nous prenions le temps de choisir nos hôtes avec soin, et ensuite, enfin dotés de doigts fonctionnels, nous manipulions les contenus de la Mole pour nous équiper. Comme l’avaient faits les traîtres de la meute Wraak, Godefroy de Luh envoya des missionnaires parcourir d’autres pays, avec comme mission de ramener d’autres espèces de singes, afin de diversifier au maximum notre future armée. Il nomma également sa fille, Dalida-None, à la tête de notre stratégie guerrière.

Une fois prêts, celle-ci nous guida sur New-Mbandaka, la cité humaine la plus proche. Celle-ci était gardée par des machines préparées au combat, mais peu nombreuses, et nous vainquîmes. Nous nous installâmes alors dans la ville, prenant possession des demeures humaines, que nous adaptâmes à notre mode de vie. Depuis cette cité, qui nous servit de quartier général, nous commençâmes à établir notre plan de conquête des environs. Notre population grandissante nous encouragea vite à prendre possession d’autres villes, en direction du nord. La résistance de leurs gardiens mécaniques était de plus en plus grande, certains parvinrent à nous repousser, et d’autres se mirent même à venir nous attaquer dans des cités où nous nous étions déjà installés. Mais ils ne pouvaient stopper notre avancée.

Plusieurs années plus tard, nous découvrîmes des décombres, vestiges d’une ville humaine que ces traîtres de la meute Wraak venaient de détruire. Nous savions que cela signifiait qu’ils n’étaient plus loin, et effectivement, ils nous attaquèrent quelques jours plus tard. Ils étaient plus fort qu’auparavant, mais nous aussi, et grâce à la stratégie de Dalida-None, nous les vainquîmes. Puis, sur l’ordre visionnaire de notre seigneur Godefroy de Luh, nous reconstruisîmes nous-même la cité, la repensant pour que nous puissions nous y épanouir pleinement. Il y eut d’autres affrontements, contre la meute Wraak ou les machines humaines, et nous essuyâmes parfois des défaites. Mais à chaque victoire, nous investissions une nouvelle cité. Notre peuple avançait...

Eugénia-Lactalys, «Comment notre seigneur nous mena à la terre promise»

Échange de rapports »